Les gènes peuvent également jouer un rôle dans le cas de la DMLA ou du glaucome

Certaines maladies des yeux sont provoquées par un gène défectueux. Dans d’autres, les gènes peuvent être une cause parmi d’autres. Un examen génétique est-il donc recommandé ? Fin septembre, Retina Suisse organise une séance d’information à ce sujet aux HUG et a interviewé deux spécialistes en amont : la professeur Gabriele Thumann, cheffe du Service d’Ophtalmologie aux HUG, et la doctoresse Martina Kropp, responsable de la recherche ophtalmologique aux HUG.

Informations sur l’événement organisé le 26 septembre 2024 à partir de 16 h 45 aux HUG

Interview : Peter Jankovsky, responsable de la communication Retina Suisse, peter.jankovsky@retina.ch

Lorsque l’on évoque la « génétique », le profane pense peut-être d’abord à de mystérieuses expériences sur le matériel génétique ou à des maladies rares. Les clichés ont-ils la vie dure ?

Prof. Dr Gabriele Thumann : Le terme génétique est associé à celui de génome. Il s’agit du plan de construction du corps humain. De nombreuses maladies sont transmises aux patients et patientes par ce plan de construction, c’est pourquoi de nombreuses recherches sont menées pour comprendre le génome. Nous pouvons ainsi comprendre la maladie en question et développer d’éventuelles thérapies innovantes.

De nombreuses maladies reposent donc sur une erreur du plan de construction.

GT : Pour être plus précise, sur certains gènes endommagés. Et comme la recherche a récemment progressé jusqu’à pouvoir modifier peu à peu certains gènes défectueux de manière positive, de nouvelles possibilités de traitement s’ouvrent pour l’avenir.

Dans quelle mesure utilise-t-on la génétique dans le domaine de l’ophtalmologie ?

GT : Les yeux sont des organes extrêmement importants pour les humains. 80 % des informations traitées par le cerveau sont des impressions visuelles. Celles-ci sont perçues par la rétine et traitées avant d’être transmises au cerveau. Pour l’ouïe, ce ne sont que 10 %. Il faut savoir que la rétine se compose de millions de cellules nerveuses sensibles à la lumière et qu’il ne va pas de soi qu’elles fonctionnent toujours à la perfection et en pleine harmonie. Même des troubles de moyenne gravité ont d’importantes répercussions sur la vie des malades.

Quelles sont les maladies des yeux dont on peut déterminer l’origine sur la base d’un examen génétique ?

GT : Il s’agit notamment de la RP, la rétinite pigmentaire avec sa caractéristique vision tunnellisée et cécité nocturne, et le syndrome de Usher associé avec ses troubles de l’audition. Les deux sont de parfaits exemples.

Ces maladies sont généralement considérées comme rares. Pourquoi la recherche génétique s’intéresse-t-elle à elles ?

Dr Martina Kropp : La plupart des maladies surviennent par la conjonction de plusieurs défauts dans le plan de construction et d’autres facteurs externes. Rares sont les maladies déclenchées par un seul dysfonctionnement. Les maladies monogénétiques sont évidemment celles que l’on traitera généralement en premier. Dès que l’on a identifié le gène qui déclenche le défaut, on peut commencer à mettre en place une thérapie ciblée. De manière très simplifiée, disons que c’est comme repérer un trou dans un grillage et le réparer.

On répare donc le gène concerné ?

MK : Il est envisageable de pouvoir modifier le gène. Mais la modification ne se fait jamais de manière à être transmise aux générations suivantes. Ce n’est donc pas comme dans le cas de l’agriculture, où l’on applique la méthode tant pour l’élevage que pour le génie génétique des animaux de rente. C’est une différence très importante. De telles mutations génétiques chez les êtres humains sont strictement interdites au niveau mondial, dans l’ensemble des pays.

Une thérapie génique peut être utile, notamment dans la reconnaissance précoce d’une RP, mais aussi dans le cas d’une DMLA ou du glaucome. La recherche a en effet découvert qu’environ 23 % de tous les cas de DMLA et également les glaucomes qui surviennent dans les jeunes voire très jeunes années sont d’origine génétique.

GT : Il existe des pays, notamment les États-Unis, qui proposent des screenings dans ce domaine. On peut déterminer si l’on est porteur de facteurs de risque génétiques pour une maladie. Mais le tout peut rapidement perdre tout son sens, car à l’heure actuelle, cela ne contribue pas à la création d’une offre thérapeutique concrète. On ne fait pas de screening génétique pour chercher quelque chose que l’on ne peut pas soigner par la suite.

Un examen génétique en rapport avec une RP fait donc sens, contrairement au cas de la DMLA. C’est bien ça ?

GT : Dans le cas de la DMLA, l’examen génétique peut également être effectué. Comme je l’ai dit, il y a un grand nombre de patients et patientes qui ont une prédisposition génétique. Mais voilà, la plupart d’entre eux n’ont pas de disposition génétique ou alors une faible disposition. Ce sont justement ces personnes qui peuvent se sentir faussement en sécurité si le test génétique s’avère négatif. Elles n’ont pas d’antécédents familiaux, c’est-à-dire de prédisposition génétique, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne risquent pas de tomber malades. En effet, l’âge croissant ou le tabagisme sont également des facteurs de risque évidents.

En collaboration avec l’hôpital de l’Île à Berne, Retina Suisse gère une base de données génétique. Celle-ci devrait croître le plus rapidement possible grâce aux tests génétiques que les malades font réaliser. Comment expliquer les avantages pour les personnes concernées ?

MK : Si la recherche découvre un nouveau facteur signalant une possible thérapie innovante et qu’il correspond à la prédisposition génétique de patients et patientes enregistrées dans la base de données génétique, ces personnes pourront être informées rapidement. Ceci dans le but de leur permettre de participer à une nouvelle étude clinique ou un nouvel essai thérapeutique.

Résumons : Quel est votre conseil quant aux examens des yeux en général ?

GT : Les maladies et les dysfonctionnements des yeux comportent tellement d’aspects et de détails qu’il est toujours conseillé de consulter un ou une ophtalmologue. En d’autres termes, des contrôles de routine réguliers et approfondis permettent de détecter les maladies à un stade précoce et d’augmenter ainsi les chances de guérison.

Et le test génétique ?

GT : Comme je l’ai dit, un test génétique isolé peut mener à un sentiment de sécurité trompeur. Pour le patient ou la patiente, le risque est plus grand que l’utilité.

MK : Il est absolument juste de dire que les tests génétiques ne font pas toujours sens à l’heure actuelle et qu’ils sont uniquement pris en charge par la caisse maladie dans des cas bien précis. Mais indépendamment d’un test génétique individuel : Je pense que des connaissances générales sur le pouvoir des gènes et leurs limites, tout comme les informations relatives au stade actuel de la recherche peuvent aider les malades à mieux s’aider eux-mêmes.

Dans le meilleur des cas, on combine le rendez-vous chez l’ophtalmologue et le test génétique.

GT : Je privilégierais le trio suivant : contrôle et examens spéciaux effectués directement par un ou une ophtalmologue – et selon les cas, le test génétique en complément.

Informations sur l’événement organisé le 26 septembre 2024 à partir de 16 h 45 aux HUG

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