Une équipe de recherche internationale a pu démontrer qu’une thérapie optogéniqe a pu contribuer à restaurer partiellement la vision d’une personne devenue aveugle à cause d’une maladie héréditaire, la rétinite pigmentaire. Il s’agit là d’une étape importante sur la voie des thérapies géniques susceptibles de rendre la cécité réversible.
Paris, Pittsburgh, Bâle, 24 mai 2021 – Des données cliniques publiées très récemment montrent pour la première fois que des méthodes optogénétiques peuvent servir à restaurer dans une certaine mesure la vue d’une personne devenue aveugle. Ce succès constitue un jalon sur la voie du développement de thérapies géniques pour les maladies héréditaires qui touchent les photorécepteurs, indépendamment des mutations qui causent les diverses affections. Ces résultats, publiés dans la revue « Nature Medicine », proviennent d’une étude réalisée par une équipe de recherche internationale dirigée par les professeurs José-Alain Sahel et Botond Roska. L’équipe comprend des membres de l’Institut de la Vision de de l’Hôpital National des Quinze-Vingts à Paris, de l’université de Pittsburgh, de l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique à Bâle (IOB), du StreetLab et de GenSight Biologics (Euronext : SIGHT).
« Le fait d’avoir réussi, au moyen de la thérapie optogénétique, à restituer partiellement la vue à un patient aveugle n’a été possible que grâce à la disponibilité du patient à coopérer aux efforts de l’équipe multidisciplinaire de l’Institut de la Vision et du GenSight, ainsi qu’à la longue collaboration avec Botond Roska de l’IOB qui a posé la pierre angulaire et les bases de ce projet », déclare José-Alain Sahel. José-Alain Sahel est le premier auteur qui a signé l’étude clinique. Il est professeur et chef du département d’ophtalmologie à l’université de Pittsburgh, professeur à la Sorbonne et à l’Hôpital National des Quinze-Vingts, ainsi que directeur et fondateur de l’Institut de la Vision à Paris.
« Les résultats de l’étude démontrent la validité du concept de thérapie optogénétique pour la restauration partielle de la vue », a affirmé Botond Roska, directeur cofondateur de l’IOB et professeur à l’Université de Bâle.
L’optogénétique comporte la modification spécifique de cellules dans le but de les rendre capables de produire des protéines photosensibles, dites canalrhodopsines. Cette technique est utilisée en neuroscience depuis presque 20 ans mais, jusqu’à présent, l’utilité clinique de l’optogénétique n’avait jamais été avérée. Les résultats annoncés aujourd’hui reflètent 13 années d’efforts multidisciplinaires et représentent l’apogée de la collaboration des équipes de José-Alain Sahel et de Botond Roska.
Le but de la recherche est le traitement de maladies héréditaires des photorécepteurs de l’œil, une cause très répandue de cécité. Les photorécepteurs sont des cellules photosensibles de la rétine qui utilisent les protéines dites opsines pour transférer l’information visuelle de l’œil au cerveau via le nerf optique. Les photorécepteurs dégénèrent petit à petit, induisant la cécité. Afin de rétablir la sensibilité à la lumière, l’équipe a mis en œuvre des méthodes de thérapie génique pour introduire la canalrhodopsine dans les cellules ganglionnaires de la rétine.
Pour l’étude en question, l’équipe a fourni le gène qui codifie dans la rétine une canalrhodopsine du nom de chrimsonR. Cette protéine spéciale reçoit de la lumière de teinte ambrée qui, pour les cellules de la rétine, est plus sûre que la lumière bleue utilisée pour d’autres types de recherche optogénétique. L’équipe a en outre développé un type de lunettes spécial doté d’une télécaméra qui capture les images visuelles et les projette sur la rétine en longueur d’onde de la lumière ambrée.
Dans le cadre de l’étude, l’équipe a commencé l’entraînement du patient avec ces lunettes presque cinq mois après l’injection. Au cours de ce laps de temps, l’expression de la chrimsonR dans les cellules ganglionnaires a pu se stabiliser. Sept mois plus tard, le patient a commencé à donner des signes d’amélioration de sa capacité visuelle.
A l’issue des tests, le patient était capable de localiser, toucher et compter des objets posés devant ses yeux sur une table blanche. Ceci toutefois uniquement au moyen des lunettes spéciales. Il ne lui était pas possible de réussir ces exercices sans les lunettes. Un des tests consistait à voir, localiser et toucher un grand carnet de notes ou une petite boîte d’agrafes de bureau. Dans 36 essais sur 39 (soit 92% de tous les tests)., le patient a touché le carnet. Dans seulement 36% des cas, il a réussi à toucher la petite boite. Dans un second test, le patient a pu compter correctement dans 63% des cas des verres placés sur une table.
Durant une troisième série de tests, le patient a dû porter un casque muni d’électrodes qui enregistraient un électroencéphalogramme (EEG) non invasif de son activité cérébrale. Un verre était alternativement retiré de la table ou placé sur celle-ci et le patient devait appuyer sur des boutons pour confirmer la présence ou l’absence du verre. Il est important de noter que les mesures de l’EEG montrent dans ce test que les changements d’activité corrélés étaient concentrés dans le cortex visuel.
L’équipe de chercheurs a aussi mis au point un logiciel de décodage pour analyser les enregistrements EEG. Au travers de mesures simples de l’activité neuronale, le décodeur a pu déterminer avec un pourcentage de 78% de réussite si, durant une série de tests déterminée, le verre se trouvait ou non sur la table. Pour Roska, ce dernier résultat a confirmé que l’activité cérébrale était effectivement associée à un objet visuellement perçu et « démontre que la rétine n’est plus aveugle. »
«Pour être potentiellement éligibles au traitement, il est important que les patients aveugles soient affectés de diverses maladies neurodégénératives des photorécepteurs et d’un nerf optique encore fonctionnel. Quoi qu’il en soit, il faudra encore du temps avant que cette thérapie puisse être proposée aux patients », a affirmé Sahel.
Source : Schlüchter, Sandra. «Optogenetische Gentherapie lässt Erblindete partiell wiedersehen.» Institute of Molecular and Clinical Ophthalmology Basel, 24.05.2021
idw-online.de/de/news769317
Lien à la publication dans ‘Nature Medicine’
A propos de l’IOB
A l’Institute of Molecular and Clinical Ophthalmology Basel (IOB), des chercheuses et des chercheurs travaillent main dans la main dans les secteurs de la recherche fondamentale et de la recherche clinique. L’objectif est de mieux comprendre les maladies ophtalmologiques et de développer des thérapies nouvelles. L’IOB a été créé en décembre 2017 en tant que fondation avec la participation de l’hôpital universitaire de Bâle, de l’université de Bâle et de Novartis. Le canton de Bâle-Ville contribue de manière substantielle au financement du nouvel institut.
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