“J’ai été fier de participer à cette session”

La résolution que nous avons adopté pendant la première la session des personnes handicapées en mars 2023 est un message fort et clair au monde politique.

Auteur: Gabriel Friche, président de la section jurasienne de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants

Nos revendications sont adressées aux autorités politiques mais les acteurs principaux à qui elle est adressée la résolution, c’est à nous, personnes handicapées. Nous devons nous engager. La difficulté, c’est que nous devons faire de la politique, ce qui n’est pas donné à tout le monde.

Le premier pas est de s’engager dans un parti politique. Il y a beaucoup plus de sympathisants à un parti que de membres. La politique, ça prend du temps et pour nous, personnes handicapées, cela en prend beaucoup plus du fait de notre handicap.

Faire de la politique, c’est captivant

Ayant fait partie du Parlement Jurassien, j’ai toujours dit que cela me prenait deux fois plus de temps qu’une personne sans handicap. En faisant partie d’un parti politique, nous devons suivre les lignes du parti, et donc travailler sur plein de sujets qui n’ont aucun lien avec le handicap.

Faire de la politique, c’est captivant. Je ne peux qu’encourager toutes les personnes handicapées à en faire. C’est comme cela que nous serons entendus. Que nous pourrons faire prendre conscience à nos collègues de parti en premier, et aux autres partis que l’écart est encore grand pour que la CDPH devienne la règle.

Une autre manière de faire de la politique sans être membre d’un parti est de convaincre une connaissance élue de déposer des interventions en lien avec le handicap. Nous jouons alors le rôle de lobbyistes, ce que je pratique régulièrement. Et ça fonctionne, mais bien sûr, ça prend aussi du temps et de l’énergie. Il faut donc s’engager, c’est la seule manière d’être entendu.

Ensemble on voit mieux

Et pour conclure, je dirais que les organisations de personnes handicapées doivent montrer l’exemple. Engager des personnes handicapées. Supprimer les barrières en terme de communication, d’information, et de documentation. Penser à nos membres qui ne sont pas forcément équipés de moyens électronique. Le handicap est souvent lié à l’âge. Mais ensemble on voit mieux, donc unissons-nous pour que les générations futures soient inclues dès la naissance.

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Entretien vidéo sur la session des personnes handicapées

L’athlète paralympique Céline van Till dit: “Je voudrais être un modèle pour les autres personnes handicapées.”

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Un cinquième de la population suisse se heurte à des obstacles

Auteur: Peter Jankovsky, responsable de la communication de Retina Suisse

Comment? Les personnes en situation de handicap représenteraient 22 % de la population suisse? Oui, c’est bien ça. Ce chiffre est malheureusement méconnu. Les 44 personnes présentant un handicap physique ou cognitif qui ont participé à la première session des personnes handicapées au Palais fédéral le 24 mars 2023 l’ont toutefois bien rappelé à l’opinion publique.

Le mot qui est revenu le plus souvent dans la salle du Conseil national ce jour-là est «accessibilité». Selon la loi sur l’égalité pour les handicapés, entrée en vigueur en 2004, celle-ci doit être garantie de façon systématique. Pourtant, il est ressorti de la session des personnes handicapées que l’accessibilité fait encore souvent défaut.

Même au niveau des services officiels il y a des lacunes

Par exemple, a-t-on conscience que les trottoirs bas créent la confusion chez les malvoyants? Les cantons le savent mais augmentent rarement la hauteur des trottoirs à trois centimètres là où cela est nécessaire. Rehausser les bordures d’accostage aux arrêts de bus semble encore trop souvent être un problème, pour des raisons financières.

Toutefois, les bordures d’accostage sont utiles à beaucoup d’autres personnes également, par exemple celles qui se déplacent avec des valises lourdes ou des poussettes ou qui ont une jambe dans le plâtre.

Les malvoyants se heurtent également à des obstacles avec les vidéos et le matériel d’information. Même au niveau des services officiels ou des prestataires de services publics, les textes d’accompagnement sont encore trop rares dans le domaine numérique. Avec la technologie actuelle, ces mesures sont un jeu d’enfant.

Et ce n’est pas tout. Dans certaines situations, les multiples obstacles auxquels se heurtent les personnes en situation de handicap sont ressentis comme une humiliation. C’est le cas en matière d’inclusion, c’est-à-dire d’égalité de traitement, d’intégration et d’égalité des chances.

À la recherche d’un emploi: il ne faut jamais abandonner

De nombreuses personnes évitent les handicapés ou les ignorent, le plus souvent par manque d’assurance. En outre, beaucoup d’employeurs n’ont pas le courage de créer des postes de travail pour les personnes handicapées ou de créer les conditions d’accessibilité nécessaires à l’emploi de ces personnes.

Citons l’intervention de Marianne Plüss, malvoyante, lors de la session: les personnes handicapées doivent être actives et ne jamais abandonner. Elle a mis cinq ans pour trouver un emploi, mais elle y est parvenue.

La liste des obstacles humiliants ne s’arrête pas là. Rappelons notamment que les personnes malvoyantes ne peuvent pas participer seules aux votations et élections. En effet, à une époque où la numérisation est omniprésente, le matériel de vote n’est pas encore accessible à tous. Exemple: au niveau fédéral, les solutions ne concernent que les votations; pour toutes les autres procédures, une aide est requise. Ainsi, le secret du vote n’est toujours pas garanti.

Autre exemple gênant: un parlementaire à mobilité réduite a clairement fait remarquer que le Parlement national avait certes organisé et financé l’interprétation simultanée dans les langues nationales pour la session des personnes handicapées – mais pas l’interprétation en langue des signes, tout aussi importante. À cet égard, la Suisse fait figure de pays en voie de développement, a expliqué le parlementaire handicapé Alex Oberholzer, venu de Zurich.

Une inclusion à tous les niveaux

Restons dans le domaine de la politique. Qu’en est-il du droit d’être élu? Les personnes en situation de handicap ont trop peu de représentantes et représentants au sein des organes politiques. La raison? Une attitude distante vis-à-vis de ces personnes. Mais aussi une accessibilité et une assistance insuffisantes dans les lieux où se joue la politique.

On comprend ainsi l’exigence fondamentale de la session des personnes handicapées: une inclusion à tous les niveaux. Un sujet que l’opinion publique devrait prendre très au sérieux car toute personne «normale» peut devenir handicapée à la suite d’un accident ou d’une maladie. Personne n’est à l’abri.

Ancrer le handicap dans les consciences: telle est l’une des intentions du président du Conseil national Martin Candinas et de Pro Infirmis, qui ont organisé ensemble la première session des personnes handicapées. D’autres sessions similaires sont nécessaires et auront lieu.

Les personnes avec un handicap ont du poids politique

Enfin, un dernier mot sur la politique: les quelque 1,8 million de personnes vivant avec un handicap en Suisse constituent un groupe d’électrices et d’électeurs non négligeable. Un groupe qui peut même devenir influent si ces personnes s’organisent de manière cohérente.

Au bout du compte, il en va du droit à l’égalité de traitement. Ce n’est pas trop demander.

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